Le golem de fer, masse colossale et implacable, frappait sans retenue. Azel, Thrall et Lucian l’encerclaient, leurs armes mordant le métal dans un concert d’étincelles.
Un coup partit — titanesque, fulgurant. Le poing d’acier heurta Lucian de plein fouet.
Les os cédèrent dans un craquement sinistre, presque irréel. Du sang s’échappa de sa bouche, de ses narines, de ses oreilles. Le souffle arraché, il tomba à genoux, déjà absent au monde.
Thrall hurla des mots de pouvoir. La magie s’infiltra dans la chair défaite, ressoudant les fractures, ravivant le cœur vacillant. Une lueur revint dans les yeux de Lucian.
Et il se releva.
La rage brûlait en lui. Ses coups entaillèrent la carcasse de fer, ouvrant la peau de métal en plaies béantes. Le golem beugla — un grincement atroce, comme deux plaques d’acier que l’on tordrait. Alors il se jeta sur Lucian, animé d’une colère glaciale.
Aucune échappatoire.
Les poings de fer s’abattirent, encore et encore. Sa cage thoracique s’enfonça sous l’impact, éclatant dans un fracas humide. La chair se rompit, les organes furent réduits en pulpe sanglante, des éclats d’os fusèrent dans l’air.
Et tout s’arrêta.
Le corps disloqué de Lucian s’effondra. Ses oreilles n’entendirent plus, ni le cri de Vif-Épine, ni l’appel désespéré de ses compagnons. Ses dernières pensées, brèves et fugitives, s’égarèrent loin d’ici – vers ceux qui l’ont banni – vers les plaines infinies de son enfance, qu’il ne reverrait jamais.
Il expira dans un monde fait d’acier froid et d’horreur.

Les pensées de Seraphina :
Le fracas du métal emplissait tout. Le golem venait de reculer, laissant derrière lui la masse disloquée qu’était Lucian.
— Lucian ! Non !
Elle glissa à genoux près de lui, ses mains déjà trempées de son sang chaud. Ses doigts cherchaient un souffle, une étincelle, n’importe quoi à retenir. Mais il n’y avait que le vide. Un goût métallique envahit sa bouche — ou était-ce celui de ses larmes qui ne venaient pas ?
— Tu avais encore… une ardoise, idiot… souffla-t-elle, la voix tremblante, entre rage et désespoir.
Elle releva les yeux, et le golem était encore là, implacable.
Alors, lentement, elle posa la main sur la joue froide de Lucian, juste un instant.
Puis elle se releva, prêt à continuer le combat
Les pensées de Thrall
Lentement, je m’approchais du corps désarticulé de Lucian.
Les paroles, ou peut-être les pleurs de mes compagnons je ne saurais le dire, ressemblaient à un bourdonnement, un son lointain. J’étais totalement abasourdi
Il y a quelques heures, nous plaisantions ensemble sur ses mésaventures avec Clive, sur sa réaction en voyant la cheville de Séraphina, des mille tourments qu’il ferait subir à Grizou dès qu’il aurait deux minutes pour avoir osé utiliser le corps de notre ensorceleuse sans son consentement.
Au cours de notre courte aventure, Lucian avait fait preuve d’un courage exemplaire, bravant, avec Vif Epine, les diverses strates du lac là où Azel et moi-même avions dû rebrousser chemin. De sa maîtrise experte de la lame, il avait pourfendu de nombreux séides de l’écorcheuse avec une facilité déconcertante et alors que je m’étais retrouvé bloqué sur la partie inférieure du Temple de Regulus, tandis les nombreuses créatures de l’Ennemie se rapprochait, il n’avait pas hésité à revenir à mes côté pour trouver une issue ensemble ou bien affronter l’adversité à mes côté. Et désormais, il n’était plus…
Pourtant, j’avais cru le sauver quand la Faucheuse était venue à sa rencontre sous la forme du poing du Golem. D’une imposition des mains, j’étais parvenu à relancer son cœur et m’acquitter ainsi d’une partie de ma dette à son encontre.
Plutôt que de prendre le temps de reprendre ses esprits, Lucian se releva d’un bond et entra de nouveau dans le ballet mortel qu’Azel et lui menait contre la créature artificielle.
Je crus même la dernière heure de notre adversaire arrivée quand, d’une attaque d’une synchronicité parfaite, Séraphina projeta en l’air le golem à l’aide d’un Geyser d’énergie permettant aux deux barbares de frapper la créature de leurs lames.
Malheureusement, cela n’eut que peu d’effet sur l’homoncule qui, à peine eut-il reposé le pied au sol, frappa Lucian avec une violence que je n’avais jamais vu.
L’impact fut si violent qu’il résonna jusque dans ma colonne vertébrale.
J’en restais coi et seule la voix de Vif Epine parvint à me sortir de ma torpeur. D’un mouvement souple, il prit appui sur mon bouclier tendu, s’éleva dans les airs tel un oiseau de proie et tout en effectuant un salto magistral, ficha sa flèche en plein dans l’œil de ce dernier.
Le Golem se figea pour l’éternité mais le mal était fait, notre ami nous avait quitté.
Avec délicatesse, nous nettoyâmes le visage de Lucian afin de lui rendre sa dignité puis nous utilisâmes sa couverture comme d’un linceul pour l’emporter avec nous. S’il y avait une chose de sûr, c’est qu’il était hors de question d’abandonner sur place l’un d’entre nous qu’il soit vivant ou mort.
C’est Azel qui se chargea de transporter Lucian avec nous tandis que Père Regulus et Sérénité nous permirent de revenir en Pangée. Ce retour chez nous, qui aurait dû être une fête s’avéra être un deuil. Mais tandis que chacun d’entre nous exprimait sa tristesse à sa façon, nous étions unis par un objectif commun, quel qu’en soit le prix, l’Ecorcheuse et ses sbires allaient payer cette perte le prix fort.
Les pensées d’Azel
BRAAAOUM
Quel vacarme.
V’la qu’ils utilisent le tonnerre maintenant.
C’est du fer cette merde, si je le touche, je me prends le jus ?
CLANG
BAM
Les coups pleuvent.
L’enfer de la bataille est là et je me sens bien.
KRRRR
SLASH
Taper encore, plus vite, plus fort.
Le golem doit tomber.
Je m’arrêterai quand il sera mort.
ROUGE
Du rouge. Du sang dans mes narines, ma vision capte des tâches carmin par terre.
Du carmin et du blanc éclatant.
Ne pas s’arrêter, surtout pas maintenant.
LUCIAN ! NON !
DES CRIS
Quoi ?
Après un dernier assaut, l’abomination s’écroule. La rage a beaucoup de mal à se dissiper et….
Oh… non…
Cet amas de chairs sanguinolentes, c’est… Lucian ? Non non, il était juste à côté de moi pendant le combat ! Je n’ai pas pu manquer ça, je l’aurais vu ! Je me serais interposé et…
“Réveille toi Lucian ! Je ne t’ai pas sauvé pour te laisser mourir aujourd’hui ! Ouvre les yeux !”
Il ne réagit pas lorsque je le secoue pour lui ordonner de se réveiller. Et après quelques instants, mes sens ne me trompent pas, je ne peux plus ignorer ce sang mort qui imprègne ses cheveux, qui salit son visage et envahit ses vêtements.
C’est fini.
Je ne me souviens pas précisément des instants qui ont suivi. A vrai dire, ce n’est pas comme si je me souvenais bien de ceux d’avant non plus. Putain de rage.
Je crois avoir lâché un sec “JE le porte” avant d’empoigner son épée et d’avoir hissé son corps sur mon dos. Je ne sais pas si ça les a blessés ou quoi mais je m’en cogne. Chacun sa manière de pleurer ses morts, ok ?
Bon sang, quel merdier…
Assis contre le tronc d’un arbre, l’épée de mon ami contre mon buste, je regarde le feu du bûcher funéraire qui crépite. Nous avons trouvé une belle plaine où faire reposer Lucian, et je suis sincèrement rassuré. Je n’aurais pas toléré que son corps reste en Oblivion.
Depuis que la rage s’est calmée et que mes pensées se sont éclaircies, la culpabilité m’anime. Si je ne m’étais pas laissé aller à elle, aurais-je été capable d’empêcher la mort de Lucian ? Peut être. Ou peut-être pas. Je me sentirais probablement moins mal.
Et pendant que mon esprit vagabonde, transformant cette culpabilité en profond sentiment de vengeance, il me semble m’éveiller sous un magnifique ciel étoilé. Une femme à la beauté sans égale, pareille à cette nuit scintillante m’apparait alors. Elle est Nocturno et dit me prendre comme amant. En échange de ma fidélité, surtout celle relevant des plaisirs de la chair semble-t-il, elle m’offrira ses capacités en tant qu’épée. Puis, en quelques mots, elle m’informe de son objectif et nulle étoile ne brilla plus que la lueur de la revanche dans mon regard.
Le marché est bien trop beau. C’est vendu, signé, conclu.
Lucian, je leur rendrai au centuple ce qu’ils t’ont fait subir. Nulle pitié pour eux, ils subiront mon courroux.
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